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Et toi, tu bandes ?

  • Photo du rédacteur: LF
    LF
  • 4 déc. 2018
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 janv. 2019

N’ayez crainte. Il ne s’agit pas de ma première approche pour faire connaissance. « Tu bandes ? », c’est le nouveau compte Instagram autour des masculinités dont vous allez entendre parler.

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Cet été, le compte « T’as joui ? » de Dora Moutot a fait grand bruit dans le vaste monde des réseaux sociaux. « Les hommes sont tous les mêmes ». Faux. Guillaume, 25 ans, ne s’est pas reconnu dans les nombreux portraits dépeints sur @tasjoui. Il crée alors @tubandes (avec déjà plus de 50K abonnés au compteur) pour mettre en avant la parole de tous ces hommes qui, comme lui, ne se retrouvent pas dans la masculinité normative prônée par notre société. Et si, comme les femmes, les hommes étaient depuis toujours victimes du mythe de la virilité ? Adieu les idées préconçues sur la virilité et la sexualité masculines.


« Arrête de pleurer, c’est pour les filles »

Relais de la parole des hommes, oui. Mais pas uniquement puisque Guillaume laisse également librement cours à ses réflexions personnelles : « Un homme ne naît pas avec un bouclier qui l’empêche d’être susceptible, sensible, nous le sommes tous à des degrés différents hommes/femmes/individus. Et chaque reproche et critique peuvent être aussi destructeurs qu’ils le seraient pour une femme. L’homme est une femme comme les autres ».

Le créateur de @tubandes se dit sensible, une spécificité généralement attribuée aux femmes. Et pourtant, à en lire les témoignages, il est loin d’être le seul. « Elle n’aimait pas, je cite, ma façon de rester calme et m’avait mis une droite pour me faire réagir, me réveiller un peu. Apparemment un homme doit s’énerver, s’opposer, dominer, c’est ce qu’elle me disait. Après ça, je suis parti » peut-on lire parmi les différentes déclarations. De quoi s’interroger : pourquoi l’homme devrait-il incarner la force et la femme la fragilité ? L’image de la virilité comme une forteresse hermétique à toute émotion serait-elle fausse ? Probablement. En attendant, il est certain que les stéréotypes, préjugés et autres idées préconçues vont bon train. Les femmes pleurent. Les hommes pleurent aussi. Bref, l’humain est un être sensible.


« Les hommes, les vrais, sont forts et musclés »

Sur son compte, Guillaume pointe le fait qu’« un homme n’a pas de complexe car il est dans une société où il n’a pas le droit d’en avoir ». Propos corroboré sur le témoignage de cet homme publié sur le site du HuffingtonPost, dans un article consacré au rapport qu'entretiennent les hommes avec leur corps :

« Ça me gênerait d’en parler à mes amis. J’ai peur de ce qu’ils en penseraient, pas seulement parce que je suis vraiment gros, mais parce que ça ferait bizarre d’avoir ce genre de discussion entre hommes. Ce n’est tout simplement pas acceptable. »

Ou encore :

« Parfois je me confie à ma petite amie, mais pas vraiment à mes amis. J’ai constaté que les hommes hétéros ne manifestaient pas beaucoup de compassion ni de considération. »

Et pourtant, les complexes liés au poids, à la masse musculaire ou à la pilosité sont récurrents parmi la gent masculine. Comme en attestent d’autres histoires racontées au HuffingtonPost, les hommes auraient tendance à se trouver trop maigres et à se tourner vers la musculation.

« J’ai toujours été bien dans mon corps. Etant très grand et très mince, on n’arrêtait pas de me dire de manger un peu plus de cheeseburgers… Quand j’étais plus jeune, ça m’agaçait. Maintenant, je me contente de sourire et de leur répondre que je le ferais volontiers si c’était bon pour la santé ».
« J’ai une impression d’échec vis-à-vis de mon corps. Au lycée, je me disais que j’étais trop maigre, qu’il fallait que je me muscle. Maintenant, j’ai plutôt tendance à penser que je suis toujours maigre, mais avec du bide. Sur ce plan-là, mes complexes ont redoublé. Des bras maigres et une bedaine de buveur de bière… Bien loin de l’archétype du mâle musclé »

Bien entendu, ces complexes ne sont pas innés mais sont le fruit d’une construction sociale. On ne naît pas complexé, on le devient, pourrait-on dire en clin d’œil à une grande dame. Selon une étude américaine, cette représentation idéale du corps masculin n’est pas non plus sans séquelle. Elle serait, en effet, assortie de possibles sanctions sociales : le surpoids serait perçu comme un « manque de volonté », alors qu’un corps mince et musclé renverrait à un sentiment de « confiance en soi et de force dans les rapports sociaux ».


Par ailleurs, Olivia Gazalé, philosophe, éclaire les conséquences de la quête de cet absolu masculin « ce devoir de virilité est fait d’injonctions très contraignantes : le devoir de virilité impose d’être fort, puissant, robuste, héroïque, conquérant, victorieux, valeureux et d’avoir la maîtrise de soi. C’est aussi un idéal discriminatoire, car tous les hommes qui ne sont pas porteurs de ces marqueurs virils sont toujours considérés comme des sous-hommes ».



« Quoi ? T’es puceau ?! »

« Chez les hommes, le sexe, c’est le pire symbole que nous ayons. Entre hommes, nous nous jugeons tellement sur nos performances, sur nos conquêtes », confie un lecteur de @tubandes.


Et pour cause, l’homme séducteur et conquérant est un autre cliché qui peut mener la vie dure. Encore aujourd’hui, la drague reste majoritairement l’apanage des hommes. Séduire les femmes et pouvoir en parler participe d’un entre soi permettant de se reconnaître entre hommes. « La séduction pose l’homme dans la société » écrit le philosophe et historien Jean-Claude Bologne. Un conformisme, certes, mais également une distinction puisque cette activité permet en même temps de se différencier de la masse et d’établir une hiérarchie : « [Pour un homme], le plaisir de pouvoir dire le lendemain à ses amis qu’il « s’est fait » cette fille est plus intense sur l’acte en lui-même ». Ainsi, « ce n’est pas la jouissance du corps de la femme qui passe en premier, mais le prestige de l’avoir eu » affirme le sociologue Raphaël Liogier.


« Tu croises les jambes, on dirait une fille »

Parce qu’ils prennent soin de leur apparence, qu’ils ont une gestuelle jugée particulière ou encore des comportements différents, certains hommes sont suspectés d’être homosexuel. On les dit « efféminés » ou « gays ». Et ces mots ont bien souvent un arrière-goût amer car négativement connotés.

Comment peut-on en venir à étiqueter de « gay » quelqu’un d’un simple coup d’œil ? Confronté à ce genre de jugement, c’est ce qu’a voulu comprendre un lecteur de @tubandes. « T’es toujours bien fringué, avec des vêtements élégants, classes, t’es toujours bien coiffé, propre, tu prends soin de toi et de ton image, t’as pas de barbe, tu parles d’une certaine manière, avec un vocabulaire particulier, tu as des mimiques, gestuelles, expressions, postures efféminées, t’as que des amies femmes, tu fais pas viril, t’es féministe, t’as de l’esprit, t’es sensible, t’es émotionnel, etc. » autant d’explications qui lui ont été données par son entourage.

Viril, oui, mais pas trop non plus. Toute la difficulté réside dans le fait de se situer dans ce qui est considéré comme étant la juste mesure de la virilité. Cette subtilité est soulignée par Mélanie Gourarier, anthropologue, spécialiste des questions de genre et de sexualité : « Une masculinité trop virile [selon la société] est attribuée aux classes populaires, celle qui n’est pas assez virile est attribuée à l’homosexualité. La bonne masculinité se situe dans cet entre-deux ». Ne surtout pas dépasser de l’espace délimité et consacré à cette « bonne masculinité » ; rien d’évident. « Trouver sa place en tant qu’homme est loin d’être aisé quand on ne colle pas à l’image que l’on attend de nous » explique Guillaume dans une interview.


Comme l’indique fort bien le titre du livre d’Olivia Gazalé, le mythe de la virilité est un piège pour les deux sexes. En effet, « le discours fondateur sur la virilité n’a pas seulement postulé l’infériorité essentielle de la femme, mais aussi celle de l’autre homme (l’étranger, le « sous-homme », le « pédéraste »…). Historiquement, ce mythe a ainsi légitimé la minoration de la femme et l’oppression de l’homme par l’homme » résume son éditeur. Et de poursuivre : « le devoir de virilité est un fardeau, et « devenir un homme » un processus extrêmement coûteux »


Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de montrer du doigt un des deux genres, de désigner l’un ou l’autre comme l’oppresseur. Au contraire, c’est en réfléchissant ensemble aux conceptions de « masculinité » et de « féminité » et en se les réappropriant que les injonctions et autres pressions sociales s’amenuiseront. « Si l’on veut réellement être l’allié des femmes et du féminisme, on doit mettre fin au patriarcat ensemble et revoir notre éducation. Pour moi, les hommes ont tout à gagner en s’associant aux féministes et en déconstruisant cette masculinité toxique qui nous empêche d’être libres. Si quelqu’un doit la détruire et prendre la parole sur la masculinité toxique, c’est nous » explique Guillaume.


Alors, il est temps que nous nous permettions d’être l’homme ou la femme que l’on a décidé d’être, que les hommes s’approprient eux-mêmes ces fameuses notions de masculinité et de virilité et, enfin, que nous repensions nos stéréotypes de genre.


Entre nous, je te le demande de but en blanc : est-ce que toi aussi tu as déjà subi des pressions à être « plus masculin » ou « moins féminin » ?


Quelques stéréotypes ont été mis en lumière dans cet article. Il va sans dire qu’il en existe de nombreux autres. L’objectif ici n’était pas d’être exhaustive, loin de là. Je souhaitais simplement partager quelques réflexions en prenant pour point de départ la découverte du compte @tubandes. Une sorte d’entrée en matière. Si vous êtes en reste, d’autres articles traitant des thématiques de genres et sexualités suivront probablement. Et, en attendant, voici quelques suggestions (que vous pouvez également retrouver dans l'onglet « Ressources » du blog).

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Leila Fery


1 commentaire


victoriadeshay
08 déc. 2018

waw!


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